Le dilemme des compagnies pétrolières
Le business model des compagnies pétrolières n’est pas d’extraire du pétrole et du gaz. L'objectif est de créer des bénéfices pour verser des dividendes, qui génèrent de nouveaux investissements, afin de recommencer le cycle. Ainsi, le pétrole et le gaz ne sont que des moyens pour y parvenir.
Cependant, depuis 2014 les performances boursières des majors s’amenuisent, alors que les industries des nouvelles énergies et électriques explosent. S’obstiner dans le pétrole ou substituer l’or noir par un autre agent? La question se pose.
Pour l’instant, elle taraude essentiellement les conseils d’administrations des majors européennes. A défaut de mieux, les majors américaines restent droit dans leurs bottes alors que la menace vient justement des USA, de Wall Street plus précisément.
En effet, de manière absurde, l’action de Tesla a été multipliée par 5 depuis le mois d’avril et la tendance est suivie par une grande partie des constructeurs de véhicules électriques.
Vendredi, Tesla, qui n’a vendu que 100’000 voitures au deuxième trimestre, a vu sa capitalisation boursière grimper à 390 milliards $. Du côté de NIO, le constructeur a levé 8 milliards $ alors qu’ils n’a vendu que 14’000 voitures électriques. Workhorse vaut 1,2 milliard $ (+1’200% depuis mars) n’a pas encore vendu de voitures et Nikola atteint les 18 milliards $ (+350%) avec zéro vente au compteur.
Variations boursières: Constructeurs véhicules électriques vs Majors pétrolières
Janvier à Août 2020
Un bémol sur les marchés boursiers
Ces chiffres sont à prendre avec précaution. Depuis le coronavirus, les marchés boursiers sont certainement les entités qui respectent le plus la distanciation physique. Elles ne se sont jamais autant éloignées de la population et de la vrai vie!
Les plans de soutien des pays, les injections de liquidité par les banques centrales et les taux zéros déversent des milliards, exactement là, où il n’y en a aucunement besoin.
La crise de 2008 avait favorisé les Banques. Celle de 2020, c'est le shadow banking qui touche le jackpot et canalise les milliards précisément dans les comptes des plus grandes fortunes de la planète.
Bien que les chiffres des bourses n’ont plus aucune connexion avec la réalité, il est possible d’extrapoler des tendances. Aujourd’hui, le pétrole, le gaz, le charbon, le nucléaire ne font plus partie des domaines privilégiés. A la place, la production d’électricité propre, la mobilité non thermique, l’hydrogène ont pris le relais avec les extravagances dont Tesla est le porte-drapeau.
Les options des majors pétrolières
Avec l’écroulement de l’architecture financière du pétrole et notamment du schiste aux USA, les investisseurs, fatigués de perdre continuellement, lorgnent de plus en plus sur des alternatives plus prolixes.
Ainsi 1 million déposé sur Tesla en janvier en vaut 5 aujourd’hui! Ce même million vaut 600’000 si vous avez misé sur ExxonMobil. Même avec un dividende de 6%, vous avez le droit de lâcher une larme.
Pour rester dans le collimateur des flux financiers, les majors pétrolières pourraient être contraintes d’effectuer une transition vers des produits et services plus rémunérateurs afin de continuer à générer des dividendes.
Histoire de trouver une nouvelle jeunesse, ExxonMobil, Chevron et les autres américaines tablent sur une pénurie de pétrole voir un "peak oil" afin de créer une remontée drastique des cours au-dessus de 100$. Pour cela, il leur faudra attendre quelques petites années, mais cette patience pourrait s’avérer financement prolifique.
Les européennes, dont les gisements d’hydrocarbures se trouvent en dehors du continent, ont intérêt de miser sur les énergies produites sur le territoire.
Des questions stratégiques
Quelles technologies énergétiques vont-elles s’imposer notamment pour la production de chaud et de froid ainsi que pour la mobilité et les transports?
En cas de changement de stratégie, est-ce que les investisseurs vont suivre les compagnies pétrolières, ou vont-ils préférer l’originel à la copie?
Aujourd’hui, sans réponse claire, elles doivent prendre un risque stratégique. Mais les majors avancent à reculons paralysées par l'incertitude. La trouille au ventre et le manque de vision sont les talons d’Achille de ces majors.
Cependant, l’épée de Damoclès se précise. Plus les majors pétrolières attendent, plus leur étiquette de pollueur et de tueur de la planète s’incruste sur leur logo notamment par les jeunes générations, clients de demain. Qui voudra utiliser Exxon pour se faire livrer une électricité propre?
Finalement, quand le basculement «énergie fossile» vs «énergie propre» devra-t-il se faire pour maintenir le chiffre d’affaires? L'heure et la date avancent. Le tic-tac est audible.
Le temps devient de plus en plus chaud et cela vaut également pour les compagnies pétrolières.